Chroniques

par laurent bergnach

Miroslav Srnka
pièces avec cordes

1 CD Naïve (2016)
V 5433
Le Quatuor Diotima joue le Tchèque Miroslav Srnka (né en 1975)

Étudiant en musicologie et composition à Prague (la ville où il naît en 1975), Berlin et Paris, Miroslav Srnka travaille d’abord comme rédacteur dans un magazine, puis participe à l’édition critique intégrale des œuvres de Dvořák, Janáček et Martinů [lire notre chronique du 11 juin 2008]. Il se faire alors connaître comme compositeur, ce à quoi contribue les opéras Make no noise (2011) et South Pole (2015) [lire nos chroniques du 17 août 2016 et du 2 juillet 2011], tous deux à Munich et sur un livret de Tom Holloway. Loin du grand effectif convoqué par des œuvres telle My life wihout me [lire notre chronique du 28 novembre 2008], cette monographie est l’occasion d’apprécier son originalité dans une production intimiste, conçue pour cordes, avec ou sans piano.

Confrontation aérée entre violoncelle et piano qui ne s’allient jamais, Simple Space (Strasbourg, 2006) est l’œuvre la plus ancienne d’un programme témoignant du but avoué de Srnka : « une continuité pensée, élaborée, capable de concilier complexité et simplicité ». Pierre Morlet prend en charge la notion de complexité, tandis que Wilhem Latchoumia joue une unique citation du Thème de Dieu tiré des Vingt regards sur l’enfant Jésus (1945), le fameux cycle de Messiaen [lire notre critique du CD]. La référence au Français semble naturelle si l’on sait que la découverte d’une cathédrale incendiée par des jeunes, à Porvoo (Finlande), déclencha l’écriture.

Pour sa part, Pouhou vlnou (Munich, 2008) fait référence à Rusalka (1901), l’ouvrage de Dvořák, qui demeure le premier souvenir de Srnka à l’Opéra national de Prague. Confessant au génie des eaux son amour pour un humain, l’ondine au sombre destin se lamente : « leč pouhou vlnou jsem, mou bytost nesmí zříti » (mais je ne suis qu’une onde, et il ne peut me voir). Décrit comme une « série de vagues dynamiques qui fondent la continuité de cette vaste forme monolithique », la pièce enfle par combinaisons successives, rides luisantes ou éclaboussures, jusqu’à mériter son appellation de quintette avec piano. Narrative et contrastée, elle arbore alors des reflets spectraux.

Finalement présenté en Autriche (Sankt Gallen, 2010) après une création allemande empêchée, le trio Tree of Heaven a l’Asie pour origine puisqu’un vernis de Chine (ailanthus altissima), croisé dans un parc pékinois, donne au musicien l’idée d’un « arbre du temps », soit un tronc solide couronné de ramification fines et raffinées. C’est ainsi qu’une déflagration épaisse (violon, alto et violoncelle) ouvre une pièce agile, parfois lyrique, qui s’achève par d’étroits sons flûtés.

Enfin, découvrons Engrams (Monte-Carlo, 2011), premier essai d’écriture pour quatuor à cordes destiné aux Diotima – actuellement formé de Yun-Peng Zhao, Constance Ronzatti (violons), Franck Chevalier et Pierre Morlet. En neurophysiologie (étude des fonctions du système nerveux), l'engramme est la trace biologique de la mémoire dans le cerveau (trace ou artefact mnémonique), laquelle conditionne nos comportements présents (peurs, désirs, etc.). Un début de mouvement hésitant qui cherche une direction, suivi de réminiscences incongrues, font tout le sel d’un opus qui confirme que Srnka, enfant violoniste, écrit pour cordes « le plus simplement les choses les plus complexes », en effet.

LB